J. F. Campbell Collection > Cabinet des fées, ou, Collection choisie des contes des fées, et autres contes merveilleux, ornés de figures > Volume 6

}i6 Les Chevaliers
fortunée? de quel crime les veux ru punir? qu'as-
tu à te plaindre de ta rivale ? n'ignore-t-elle pas
ton amour ? & l'infenfible Salmacis a-t-il dû t'en-
tendre, & quand il t'auroit entendue ne fais-tu pas
par ta propre expérience , que l'on n'efl: pas maî-
tre d'arracher dcfon cœur un objet qui nous plaît ?
Pourquoi veux- tu qu'ils faflent ce que tu n'as pu
faire? as -tu moins de vertus que ces amans?
laifle-les donc s'aimerpuis qu'ils le peuvent avec in-
nocence j& pour te punir d'avoir pu fonger à \es
réparer , fois le témoin de leurs plailirs.
Dans ce moment, l'on vint avertir la reine-,
que des princes étrangers venoient la confulter.
Elle ordonna qu'on les fît entrer , ô: je fortis de
fon cabinet. Je fus me promener dans les jar-
dins ; j'y rencontrai le prince. L'air de langueur
que j'av'ois fur le vifage , & la profonde rêverie
dans laquelle j'étois enfévelie , obligea Salmacis
à me demander ce que j'avois , (?c lî l'Amour
caufoit ma mélancolie? Ce dieu y a fans doute
part , lui dis-je en riant , Se je penfois au bizarre
effet qu'il fe plaît à faire fouffrir dans fon empire.
Pour favoir fi vous avez raifon de l'accufer , re-
prit le prince , il faudroit m'apprendre pourquoi
vous vous plaignez de lui. Vous avez plus de lieu
de vous en plaindre t]ue moi , Seigneur , lui dis-
je en le regardant fixement. S'il ne vous avoit
pas mis fon bandeau fur les yeux , il y auroic eu