J. F. Campbell Collection > Cabinet des fées, ou, Collection choisie des contes des fées, et autres contes merveilleux, ornés de figures > Volume 6

248 Les Chevaliers
un charriot , pour aller jufqu'a.u temple. Je me
promenai long-tems fous de grandes allées cou-
vertes , qui conduifenc au portique j & l'heure
des facrihces étant arrivée , j'entrai dans le tem-
ple. Pendant les cérémonies , j'apperçus vis-à-vis
de moi un chevalier d'une taille admirable , qui
ni.Q regardoit avec une attention qui me fit rou-
gir*^ Alais trouvant mille charmes fur fon vifage,
&: dans toute fa pcrfonne , j'eus bien autant de
foin de ne le point perdre de vue , que d'écouter
les hymnes que Ton chantoit en l'honneur de ta
déelTc. Quand les facrihces furent achevés , je for-
tis du temple ; ôc mon chevalier me fuivit juf-
ques fous les allées , où je fis encore quelques
tours. Cet inconnu éroit mon om.bre j je le
voyois toujours à coté de moi , & fes yeux ren-
contrant les miens , il en fortit un feu fi vif,
qu'il pada dans mon cœur, 6c commença de me
brûler d'une fl;unme qui n'auroit jamais fini , fi
celle que je fis naître dans fon ame dans le mcnie
moment , avoit été de ces flammes veftales , qui
ne s'éteignent jamais. Cet effet de la fympathie
fut fi extraordinaire , que le prince de Numidie
( car c'étoit lui ) ne put s'empêcher de m'abor-
der , ôc de me prcfcnter la main pour m'aider à
monter dans mon charriot j & fans favoir fi je
devois accepter ce fcrvice d'un homme que je
ne connoifl'ois pas , je ne pus le refufer.