J. F. Campbell Collection > Cabinet des fées, ou, Collection choisie des contes des fées, et autres contes merveilleux, ornés de figures > Volume 6

514 Les Chevaliers
trop digne de fes adorations. Ah , Céline ! me
dit la reine , que cette infortune aiuoit été peu
à craindre pour lui! que j'aurois pris de plaiftr
de lui faire connoître que , Ci fa nailfance l'éloi-
gnoit de mon trône, fon mérite l'approchoit de
mon cœur ! Mais pourquoi flatter ma douleur d'une
trompeufe idée , quand je le vois tout plein de ma
rivale? Peins le moi bien plutôt avec toutes les
couleurs de la plus noire ingratitude, dis-moi
que malgré toutes les bontés que j'ai eues pour lui ,
il n*a voulu les entendre que pour en faire un fa-
crifîce à Ifmire, ôc que n'ayant point de cou-
ronne à lui offrir , il la fait triompher de tout le
penchant que j'ai pour lui. Je lui pardonnerois
encore plutôt cette efpèce de crime , que de m'a-
voir aflez peu regardée pour ignorer tout- à-fait
ce qui fe palle dans mon ame. C'eft cette indif-
férence cruelle que je punirois févèrement , car
pour celui de me facrifier à ma rivale , j'en ac-
cuferois .l'Amour. Cet enfant aveugle difpofe de
nous avec tant de puilfance , qu'il ne nous lailTe
connoître de bien , que celui qu'il nous offre j
quelque précieux que foit celui qu'il nous fait né-
gliger , il ne peut avoir des charmes pour des
yeux éclairés de fon fatal flambeau,
Quand je devrois rendre Salmacis encore plus
coupable, repris- je, je ne puis m'empccher de
croire que votre puifTance lui a fermé les yeux