J. F. Campbell Collection > Cabinet des fées, ou, Collection choisie des contes des fées, et autres contes merveilleux, ornés de figures > Volume 2

16 Gracieuse
une fuppofition de croire qu'elle fût la prîn-
ceffe Gracieufe ; qu'à la vérité elle lui refTem-
bloit un peu , mais que Gracieufe s'étoit pen-
due ; qu'elle l'avoit vue de fes yeux ; & que
ù l'on ajoutoit foi aux imponures de celle-ci,
c'étoit manquer de confédération & de confiance
pour elle. Le roi , fans dire un mot , lui aban-
donna l'infortunée princefTe, croyant ou fei-
gnant de croire que ce n'étoit pas fa fille.
Grognon , tranfportée de joie , la traîna ,
avec le fecours de (es femmes , dans un cachot,
où elle la fit déshabiller. On lui ôta {es riches
habits , & on la couvrit d'un pauvre guenillon
de grofîe toile , avec des fabots dans fes pieds ,
& un capuchon de bure fur fa tête. A peine lui
donna-t-on un peu de paille pour fe coucher,
& du pain bis.
Dans cette détreffe, elle fe prità pleurer amè-
rement , & à regretter le château de féerie ; mais
elle n'ofoit appeler Percinet à fen fecours , trou-
vant qu'elle en aveit trop mal ufé pour lui, &
ne pouvant fe promettre qu'il l'aimât affez pour
lui aider encore. Cependant la mauvaife Gro-
gnon avoit envoyé quérir une Fée , qui n'étoit
guère moins malicieufe qu'elle : Je tiens ici , lui
dit-elle , une petite coquine , dont j'ai fujet de
me plaindre; je veux la faire foufTrir, & lui
donner toujours des ouvrages difficiles , dont