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SUR LA MUSIQUE.
Cil qui dient que mes chans eft remez
Par mauvaiftie & par faintis corage,
Et que perdue eft ma jolivetez
Par ma langor & pat mon mariage
N'ont pas bien fai
Si amoroz allai
Conme je ai
Qui j'oie maintendrai
Tôt mon vivant; ne ja par nul malage
Couinent qu'il giiet , ne conment qu'affoage ,
Ne recrerai
ïSl
» Ceux que diiênt que j'ai renoncé à
» chaîner par lâcheté , par manque de
» courage , & que ma nonchalance St
» mon mariage m'ont fait perdre ma gaieté ,
» ne favent pas ce qu'on fait quand ou
» eft amoureux comme je le fuis , moi qui
» maintiendrai joie toute ma vie , Se qui
» pour nulle maladie ne cefTerai , foit que
» l'amour me caufe des peines, foit qu'il
» me procure des plaifirs.
Li tens d'efté ne la bêle faifon*
Ne font or pas ma chançon envoifie ,
Maiz douz penfé , & jolie raifons ;
Et bone amors qui m'a en fa baillie ,
Qui de joie mon fin cuer refemont
Me fait penfer à la meillor del mont :
S'en doift eftre mes chanz moût pluz jolis,
Car or endroit chant-je con fins amis.
Et pujfqu'amors eft ma droite ochoifons,
Je me dois bien tenir à fa maiftrie
Qu'ele m'aprent & les chans & les fons,
Et par li e(t ma penfée jolie.
Quar quant recort les biaux ex de fon front ,
Et les regart amourouz qui ens funt,
Lors me confort qu'en penfans m'eft avis
Que d'eus me naift, en fouriant, mercis.
» Ce n'eft ni le printems ni la belle faifoi»
» qui rendent ma cltanfon gaie ; c'eft une
» douce penfée, un reiïbuvenir agréable, Se
«l'amour qui, pofTédant mon cœur, le
» fbmme avec joie de petifèr à la plus belle
» du monde. Mon chant doit donc être
» plus joyeux; car en ce moment je ne
» chante que comme un rendre amant.
» Puifqu'amour eft ma véritable reflourcey
» je dois bien m'y tenir attaché. C'eft lui
» qui m'enfeigne à chanter , c'eft lui qui
» rend mes penfées riantes. Lorfque je
» fonge aux beaux yeux 4e ma belle & à
» fet regards amoureux ; alors il me fem-
» ble que je vois merci naître en eux avec
» un foudre ».
Chrestien de Troyes, Auteur du Roman du Graal, vivait vers la fin dix
règne de Louis-le-Jeune , puifqu'il y parle de Philippe d' ' Alfacc j Comte de
Flandres } comme vivant alors j & ce Prince mourut en 1 1 9 1 . Fauchée
penfe que les anciens Romans, comme Triftan, Lancelot, &c. avaient été
d'abord compofés en profe; & que vers ce tems, ils furent remis en vers 8c
en nouveau langage. Triftan parut en 1190. Le Graal le fuivit immé-
diatement.
On le fait auteur du Roman de Percevalj mais c'eft feulement Thori de
Bourges 3 qui n'en donne aucune preuve. Il a fait certainement le Roman
du Chevalier du Lyon.
Tome II. S

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