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GONÏE XXIII.
L'AIR MERVEILLEUX*
CROKER. — (Irlande.)
Maurice Coiinor était le roi des ménétriers de la province
de Munster, ce qui n'est pas peu dire. Entre autres airs de
son répertoire, il en savait un qui était capable de faire danser
vivants et morts. A la première note sortie de sa cornemuse,
les souliers commençaient à trembler, comme s'ils avaient la
lièvre, sous les pieds de chacun : vieux ou jeunes, peu im-
porte'; puis les pieds allaient, allaient et à la fin il fallait
que les corps se missent de la partie et tous les gens de la
fête dansaient comme des fous en tournant de ci, de là, de
tous côtés, comme feuilles emportées par le vent, ne s'ar-
rêtant que lorsque cessait la musique.
11 n'y avait pas une foire, une noce dans les sept paroisses
à la ronde où l'on ne se crût obligé d'inviter l'aveugle Mau-
rice et sa cornemuse. Sa mère, la pauvre femme, le conduisait
de place en place et lui tenait lieu de caniche.
Un jour, Maurice se trouvait à Iveragh. De tous les villages
voisins étaient venus pour l'entendre un grand concours de
jeunes gens et de jeunes fdles. La danse commença et quand
on se fut bien trémoussé, il fallut boire pour se rafraîchir
le gosier. « Buvez-vous, ménétrier? dit un assistant. — Mais
volontiers ! répondit Maurice. — Avez-vous un verre? —
Non, mais passez-moi la bouteille, ma bouche a précisément
la contenance d'un verre. » Lorsque Maurice rendit la bou-
teille de whisky, elle était vide.
1. J'ai abrégé beaucoup ce récit. Comme tous les contes de Croker, le style en est
agréable et il est plein de détails charmants; mais ces qualités mêmes sont la preuve
que le fond seul du récit est populaire et que la forme en appartient au spirituel écrivain.

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