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(568)
548 Les Ames
feul mot que Sikandar alloit prononcer affu-
roit fa félicité. Quelle fut la furprife des bra-
mines & de la cour ! Sikandar refta quelque
tems immobile , psroiffant agité de différentes
penfées. Enfin , il prit la parole , & avec une
volubilité extraordinaire , il tint des difcours
où Ton appercevoit des lueurs de raifon qui
s'évanouifibient auffi-tôt. Quelquefois il fe par-
loit à lui-même. Sikandar, dhoit-il , vous êtes
un puiffant prince, on vous doit toute forte
de refpeds, mais point du tout i'eftime. 11 révé-
loit ainii tout haut ces témoignages mortiflans
que les âmes vicieufes font forcées lecrétement
de fe rendre d'elles-mêmes. Les deux âmes qui
agiffoient en lui , fe fervoient de (es organes
pour rompre la fuite des idées que fa propre
ame lui infpiroit , ce qui produifoit une con-
fufion à laquelle on ne pouvoit rien com-
prendre.
Les bramines étonnés de ce défordre, dont
ils n'avoient encore point vu d'exemple, le
regardèrent comme une maladie qu'ils nom-
mèrent folie. Brama ne leur permit pas alors
de reconnoître que ce qui leur paroiflbit ii
déraifonnable dans Sikandar , n'étoit qu'une
converfation très-fenfée de deux âmes intéref-
fées à contrarier une troifième ; démêlé qui ne
manque prefque jamais d'arriver , quand plu-

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