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E S S A I
x i i.
Quant li Rofîgnol jolis
Chante leur la flor d*Efté,
Que naift la rofe & le lis
Et la toufee el vett pré :
Plains de bone volonté
Chanterai con fins amis*
Mais d'itant fui esbahis
Que j'ai fi très haut penfé,
Qu'à paines iert acoraplis
Li fervirs dont j'atens gré,
Liement ont entrepris
Ce qui trop m'aura grevé ,
Mi fol œil volenteiz
Qui fovent ont efgardé
Là où je n'ai mie ofé
Dire que j'eftoie quis.
Œil , par vos fui-je trahiz. ]
Voir eft, mal avez ovréj
Mes or en aiez merci,
Et fi vos foit pardonné.
Oil , ce eft mains que noient ,'
Je ne vous puis mal vouloir :
Car quant je me reporpenz
Comme ele eft bêle à veoir,
Souvent me fêtes doloir
En ce que trop vous truis lent.
Mes li rafToagemens
Des biens que g'en cuit avoir,
Me fet doubler mes talens
De fervir à mon povoir,
Benois foie li hadimens
Où je pris fi toin eipoir ;
Car eurs , fervirs , Se talens
M'i porroit encoir valoir.
Se doi-je mole bien voloir
» Quand le rofllgaol joli fait retentir Je
» fes chants les bocages que l'été pare de
» fleurs , quand le lis & la rofe fe hâtent
» d'éclore, & que la rofée tombe en perles
» fur la verdure des prés ; plein de vo-
» k>nté amoureufe , je dois chanter comme
» loyal amant. Mais une chofe me trouble :
» j'ai élev< fi haut ma penfée , que j'aurai
»> peine à, m'acquitter du îèrvice, dont j'at-
» tends qu'on me fâche gré.
» C'eft avec gaieté que mes yeux vo-
» lontairement & follement indiferets ont
» entrepris chofe dont j'aurai trop raifon
>» d'être fâché. Us ont fouvent regardé l'ob-
» jet vers lequel je n'ofais dire qu'amour
» m'attirait. Vous m'avez trahi mes yeux ;
» en vérité , vous en avez mal agi. Mais
» vous aurez votre grâce , je vous par-
ti donne.
» Votre indiferétion n'eft rien moins
» qu'impardonnable. Comment vous en
» voudrais-je , moi qui ne me rappelle
t> » jamais combien ma Dame eft belle à
» voir, fans me plaindre de ce que vous
» avez été trop lents à l'admirer ? Mais
» quelles que foient mes plaintes, l'idée des
» biens que j'attends d'elle, me foulage &
» me fait redoubler d'ardeur pour la lêrvir
» à mon pouvoir.
» Heureule la hardiefle qui m'infpira
» l'eipoir de fi grand bien ! Bonheur , foins
» & favoir faire peuvent encore le réalifer.
» Oui, je ferai toujours à ma Dame ; je
» dois le vouloir , & je le defîre, Si j'ai

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